Un nouveau départ ||* PV Délilah

Ethan était en compagnie d'une belle inconnue. Il l'avait trouvé dans le bar et maintenant, l'embrassait langoureusement dans les toilettes du café.
Elle avait de longues boucles rousses et son corps était moulé dans une robe noire qui lui sied à merveille.
Une main sur sa nuque, il chercha de l'autre l'agrafe de son soutien-gorge. Quand la jeune femme sentit ce geste, elle stoppa leur baiser et se repoussa.

- Non, désolé je... Je ne peux pas, dit-elle d'une façon gênée. Je... Dans des toilettes... On ne se connait pas.

Puis, laissant Ethan estomaqué, elle s'enfuit vite, furieuse de n'avoir pas eu le courage de passer un bon moment avec un gars aussi sexy.
Le jeune homme pesta. Alors elle découchai cette garce ? Même pas fichue de s'envoyer en l'air et de prendre du bon temps. Mais n'importe quoi.
Décidément, il ne comprendrai jamais rien aux femmes. Vraiment... Trop compliquées, avec leurs questions de mariage, de romantisme etc.

Non satisfait, il revint dans le bar, en quête d'une autre conquête à se mettre sous la dent. Il s'installa au comptoir et commanda un verre de vodka. De sa place, il regarda toutes les tables, essayant de voir les jeunes femmes.
Ce n'était pas à son avantage. La seule femme "potable" roulait de gros patins à un grand dadet.

Furieux à l'idée qu'il passera une nuit seul, il quitta à grands pas le bar quand il frôla une personne. Hum, frôler n'est pas trop le mot. Percuta serait beaucoup plus approprié.
Une jeune femme, aux yeux terriblement envouteur et aux cheveux noirs d'encre. Des lèvres en forme de rose et un corps de déesse.
Il sourit. Et ben voilà, il suffisait d'attendre.

Une nouvelle journée commençait. Ce jour aurait pu être parfait, le soleil étincelait, il faisait beau et chaud. Quelque chose qui n'était pas rare à Manhattan. L'humidité rendait Delilah particulièrement irritable. Avec ce temps délicieux, ses pensées noires auraient pu s’éclaircir. Mais pas du tout, elle était même de très méchante humeur. Pour quelle mystérieuse raison, me direz vous. Vous allez très vite comprendre.

Delilah se réveilla, l’air hagard, en se rendant finalement compte qu’elle s’était endormie sur sa table de bureau, sur des copies qu’elle était en censée corriger. Elle passa une main dans sa chevelure ébouriffée, tout en soupirant. Elle avait du mal à se rappeler comment elle avait bien pu faire pour s’endormir, avec la tonne de café qu’elle avait avalée la veille. L’avait-on assommée ? Peu probable, elle n’avait pas l’impression d’avoir mal à la tête. Son regard bleu océan parcourut rapidement l’étendue du désastre de la veille. Ah. Elle se rappelait maintenant. Cet oiseau de malheur s’était encore amusé à lui chanter (ou plutôt crier) dans les oreilles. Elle avait tentée vainement de l’attraper, pour le bâillonner par exemple, mais elle avait juste réussi à s’épuiser. Le bazar dans son studio pouvait en témoigner. Delilah se passa les mains sur son visage, tout en se contrôlant pour ne pas se rendormir. Foutu oiseau ! A cause de lui elle n’avait pas avancé dans ses corrections, et en plus de ça, elle se réveillait mal, avec une humeur de chien. Elle allait avoir sa revanche. Ce soir, ce piaf ne serait plus qu’un mauvais souvenir, parole de Delilah.

Elle se leva lentement de la chaise inconfortable où elle avait passé sa nuit, et se dirigea vers la fenêtre où chantait habituellement cet oiseau infernal. Le jour levé, il s’en allait, comme si de rien n’était. Mais dès la nuit installée, il revenait à la charge piailler sous SA fenêtre. Elle allait finir par l’étrangler. Fulminant contre elle-même, contre la Terre entière qui semblait s’être rebellée contre elle, Delilah poussa du pied les affaires qui traînaient un peu partout. Une personne extérieure à la scène aurait pensé que la jeune femme avait fait la fête chez elle. Or ce n’était pas le cas. Et cette même jeune femme n’avait pas l’humeur de quelqu’un ayant passé une soirée agréable. Pas du tout même. Avant de filer vers la salle de bains, elle lança un regard noir aux copies qui s’entassaient au fil des jours. Ses élèves allaient devoir attendre.

Une fois sortie de la douche, une serviette autour du corps, elle s’habilla rapidement, en fonction du temps chaud de cette journée. Bien. Déjà une chose de faite. Maintenant, il fallait qu’elle aille se changer les idées, dans un endroit calme et chaleureux. Cette idée de fête lui avait donné des idées : elle allait s’amuser, c’était l’une des choses qu’elle voulait pour le moment. Mais sortir n’était pas dans ses priorités, pas maintenant. Elle allait d’abord corriger les devoirs qui semblaient l’appeler, puis elle irait dans un endroit où on étaient censés s’amuser. Ce soir, au moment où l’oiseau viendrait chanter. Bizarrement revigorée, elle corrigea une à une toutes les copies, et finit par consulter sa montre. La journée avait été sacrément écourtée… A quelle heure s’était-elle levée ? Elle n’en savait trop rien, mais en tout cas, il faisait presque nuit à présent. Si elle ne se connaissait pas si bien, elle aurait pu croire qu’elle s’était endormie. Elle attrapa ses clés de voiture, et démarra en trombe, laissant derrière elle sa frustration. C’était parti pour une soirée de détente absolue.

Les lumières de la ville s’allumaient petit à petit, faisant presque concurrence avec l’éclat joyeux des étoiles. Un sourire en coin, Delilah réfléchissait à l’endroit qui lui semblait le plus approprié. Elle savait exactement où aller. Elle avait tellement l’habitude de se rendre dans ce restaurant toujours bondé, qu’elle aurait pu y aller les yeux fermés. Jetant un coup d’œil discret au compteur de sa voiture, elle se rendit compte qu’elle avait dépassé la limite autorisée. Vite, elle s’empressa de ralentir la course. Elle était arrivée de toute manière.

Delilah claqua la portière, respirant l’air lourd de la nuit. Elle allait boire plus que de raison et faire certainement n’importe quoi. Elle n’était pas une fille raisonnable, elle ne l’avait même d’ailleurs jamais été. Poussant la porte du restaurant, elle constata avec un enthousiasme non dissimulé que l’ambiance était toujours la même. Bondée, plein à craquer de personnes voulant la même chose qu’elle. Ou du moins, c’est l’apparence qu’ils se donnaient. Elle percuta peu délicatement un jeune homme, qui devait avoir son âge. Ou alors c’était lui qui l’avait percuté, elle ne savait pas vraiment. Avec un regard appréciateur, elle le contempla de haut en bas, sans aucune gêne. Les bonnes manières interdisaient sans doute les regards trop insistants, mais elle s’en fichait éperdument. Il était beau, et il le savait. Rien qu’à sa posture, elle était prête à parier qu’il avait une assurance inconditionnelle en ses atouts et en ses charmes. Ça c’est sûr que ça lui changeait du piaf qui la harcelait depuis des jours. Avec un sourire mi moqueur, mi charmeur, elle fit mine de s’excuser :

- Je suis navrée. Vous avez de la chance de ne tenir aucun verre. Bonjour les désastres…

Comme s’il n’avait jamais existé, elle s’accouda au comptoir en demandant un verre de whisky. Elle supportait l’alcool, jusqu’à un certain point. Jetant un coup d’œil à l’apollon qu’elle avait percuté peu délicatement, elle lui demanda sur un ton joueur :

- Je vous offre un verre ?

La belle inconnue ne manqua pas de le regarder, de haut en bas en ayant rayé de sa mémoire que certaines personnes pouvaient trouver ça impolis. Ethan, au contraire, en était flatté.

- Je suis navrée. Vous avez de la chance de ne tenir aucun verre. Bonjour les désastres…

Ethan la dévora des yeux. Elle était vraiment belle et il aimait beaucoup sa voix, claire et posée.
Le séduisant jeune homme alla répliquer quelque chose quand elle s'éloigna, sans lui jeter aucun coup d'œil. Il la suivit des yeux, et voyant qu'elle s'accoudait au comptoir et qu'elle commandait un verre - sans doute d'alcool - il s'approcha et alla s'assoir près d'elle.

- Vous ne m'avez pas laissé répondre, dit-il d'un ton enjôleur. Et vous n'avez pas à être navrée...

Il était aussi proche d'elle que la décence le permettait. De là où il se trouvait, il pouvait sentir son parfum fleuri, aux sentences de jasmin et de rose. Elle le regarda sans rien dire, puis, d'un ton joueur, reprit:

- Je vous offre un verre ?

La partie s'annonçait prometteuse. D'habitude, il avait le droit à des filles timides et ébahies par son charme, ou au contraire des femmes trop refermées qui le regardaient avec hargne.

- Avec plaisir. Mais... N'est-ce pas aux hommes de devoir offrir les verres ?

Delilah ne put se retenir de sourire lorsqu’elle se rendit compte que le jeune homme la regardait de la même manière qu’elle l’avait fait précédemment. Était-ce parce qu’elle était ravie d’attirer le regard de ce beau jeune homme ? Elle n’en savait trop rien. Depuis toute petite, les garçons la trouvait jolie, puis plus tard lorsqu’elle était lycéenne, on lui disait qu’elle était belle. La jeune fille qu’elle était à l’époque ne comprenait pas pourquoi elle faisait cet effet chez la gente masculine. Elle se rappelait d’un après-midi où elle s’était mise à chercher ce qui pouvait bien faire craquer tout ces garçons. Elle avait passé en revue le moindre de ses traits, le moindre de ses gestes ou de ses paroles. Finalement, elle s’était dit que ça devait être en grande partie du à ses yeux bleus. Ils avaient toujours fait un contraste spécial avec sa chevelure brune, un contraste souvent avantageux pour elle. En grandissant, elle avait utilisé cet atout pour séduire, ou pour s’attirer les faveurs d’un professeur. Et ça avait toujours bien fonctionné. Mais elle avait aussi apprit que les garçons étaient très souvent juste intéressé par son physique, justement. Elle aurait pu en profiter, et faire plus que de jouer le jeu. Elle n’était pas dupe : lorsqu’un garçon vous courait après, c’était très souvent pour tout autre chose qu’une simple discussion avec vous. Delilah avait donc mis au point une stratégie, plutôt satisfaisante. Elle se laissait prendre au jeu et lorsque ledit garçon désirait aller plus loin… elle coupait les ponts. Enfin, façon de parler. Ce n’était jamais vraiment elle qui mettait un terme à leur relation, mais plutôt le jeune homme avec qui elle était. Ça lui avait souvent permis de voir qui en valait le coup ou non.

Tout en buvant le verre de whisky qu’on lui avait servi, la jeune femme était en train de réfléchir sur le cas de ce jeune homme. Tout d’abord, il était un séducteur, ça se voyait à des kilomètres à la ronde. Il devait donc logiquement être infidèle. Hmm… il devait être comme tous les autres qu’elle avait déjà rencontrés. Un dragueur, qui ne s’intéressait qu’aux apparences et à ce qui s’ensuivait. Elle n’avait jamais aimé ce genre-là, ce n’est pas aujourd’hui qu’elle allait changer d’avis. Elle nota cependant qu’il avait eut l’air surpris lorsqu’elle s’était assise en l’ignorant littéralement. Il ne devait pas avoir l’habitude des filles comme elle, autrement dit qui lui « résistaient » en quelque sorte. Était-ce un bon ou un mauvais point ? Il se reprit cependant bien vite et vint s’asseoir auprès d’elle. Tiens donc ? Il venait vers elle, alors qu’elle avait fait en sorte de lui faire comprendre qu’elle était têtue… Après tout, il n’était peut-être pas comme les autres…

- Vous ne m'avez pas laissé répondre. Et vous n'avez pas à être navrée...

Elle ne s’était pas trompée sur son côté séducteur. Son intonation, sa voix, l’expression de son visage et même ses paroles… Tout était réuni pour bien lui faire comprendre qu’il était en train de la séduire. La façon dont il s’y prenait était charmante, attendrissante même. Une manière bien à lui de lui faire croire qu’il faisait juste ça avec elle, alors qu’elle était prête à parier qu’il s’y prenait comme ça avec toutes les autres filles. Mais bizarrement, toutes ses belles théories sur la drague, les manières d’aborder un garçon ou encore sur l’amour en général, commençaient à se détruire une à une, comme un château de carte posé sur un sol secoué de tremblements. En l’occurrence, elle était le château de carte et ce jeune homme était le tremblement de terre. Elle se surprit à le dévisager, pas parce qu'elle était éblouie par sa beauté ou autre chose d’aussi futile. Non non. Elle le regardait avec des yeux d’artiste. Son nez fin et droit, la lumière qui se reflétait dans ses iris, la courbe parfaite de sa mâchoire, sa peau blanche et pourtant si lumineuse, ses lèvres pleines et roses… Il était beau, et pas seulement de son point de vue de femme. Il était beau en tant que modèle pour une œuvre d’art.

Son regard ayant fini l’inspection du visage du jeune homme, elle entreprit de le regarder vraiment. Elle fit glisser son regard bleu océan sur son torse, ses avant-bras, la posture de son dos, ses mains ainsi que ses jambes. Elle aurait pu voir autre chose, s’il ne s’était pas bêtement assis. Elle arrêta là sa contemplation, et revint plonger ses yeux dans les iris sombres du jeune homme. Avait-il remarqué qu’elle l’observait peu discrètement depuis quelques minutes ? C’était probable. Delilah aurait peut-être du en rougir, mais elle ne le fit pas. Non, elle avait une soudaine envie irrésistible de le peindre. Et pas seulement recouvert de vêtements d’ailleurs.

- Avec plaisir. Mais... N'est-ce pas aux hommes de devoir offrir les verres ?

Sa voix la fit sortir de sa torpeur, et elle se rendit compte qu’elle ne buvait plus mais était tout à fait immobile. En même temps, elle ne pouvait pas vraiment faire autre chose pendant cette inspection. Ce n’était pas quelque chose de sentimental, ni même de physique. Ou du moins elle essayait de s’en convaincre. C’était purement artistique et professionnel. Delilah retrouva son sourire joueur et sut tout de suite quoi lui répondre.

- Et ne sommes-nous pas censés faire les présentations, avant toute chose ?

Le pire dans cette histoire (si on pouvait dire que c’était négatif) c’est qu’elle commençait à s’amuser en sa présence. Bizarrement, elle appréciait sa compagnie, aussi inconnue et séductrice soit-elle. Puis, jetant un œil vers le barman, elle revint rapidement sur son premier sujet d’intérêt, et lui demanda :

- Que voulez-vous boire ?

La belle inconnue mit du temps à lui répondre. Il ne put qu'apprécier le sourire frais et délicat qui barra son joli visage, ainsi que son regard bleu azur qui le détaillait d'une manière qu'il ne connaissait pas. Il n'y avait pas du dédain dans ses prunelles envoûtantes, ni même de l'ébahissement. Mais alors, c'était quoi ?
Après quelques minutes où Ethan fut presque déstabilise, la jeune femme reprit son ton joueur et lui répondit.

- Et ne sommes-nous pas censés faire les présentations, avant toute chose ?

Le jeune homme se surpris à sourire. Peu de femmes qu'il abordait connaissaient son prénom, encore moins son nom. C'était bien rare qu'elles lui demandaient son prénom. Où alors, quand ils avaient abordé une étape plus poussée qu'une simple drague dans un bar, il leur donnait son prénom, pour ne pas paraître bestial et non civilisé.
D'une voix calme et veloutée, il annonça:

- Soit. Moi, c'est Ethan.

Il plongea son regard sombre dans celui de l'inconnue. Ses yeux clairs le regardait avec moins d'insistance qu'il y a quelques minutes, et il eut le plaisir d'y découvrir une lueur d'amusement et d'intérêt. La jeune femme semblait différente. Il ne savait pas comment allait déboucher cette soirée, mais une chose était sûre, il ferait tout pour accomplir le but qu'il s'était donné.
Elle se retourna vers le barman et reprit son idée initiale:

- Que voulez-vous boire ?

Ethan réfléchit rapidement. Avant de la rencontrer, il avait déjà bu deux verres de vodka. Étant agent de sécurité, il savait être raisonnable et préférait rester sobre pour le restant de cette soirée. Il tenait assez bien l'alcool mais préférer ne pas se montrer saoul aux yeux des belles demoiselles. Il ne voulait pas remonter de vieux sujets écorchant sur l'alcool et l'amour. Il en avait assez bavé comme ça.
Et puis, il lui faudrait bien rentrer chez lui et par ce même biais, utilisé sa voiture. Et se faire arrêter avec trop d'alcool dans le sang, étant lui-même policier... Ou presque... Ca le faisait pas du tout.

- Je ne prendrais qu'un coca merci.

Comme la jeune femme le regardait d'un drôle d'air, il sourit. C'est vrai que, boire un coca pour un séducteur tel que lui pouvait paraître absurde. Mais c'était mieux que de refuser l'invitation de la belle demoiselle.
Il déclara d'un ton léger:

- C'est que, je dois rester sobre. J'ai eu mon compte pour l'alcool.

Ce n’est pas comme si Delilah n’avait jamais rencontré d’hommes dans sa vie. Bon, elle n’en avait pas eu un million, mais quand même. La drague avait été sans doute l’un de ses passe-temps favoris lorsqu’elle avait eu une vie plus… stable dirons-nous. Ben oui, que voulez-vous, lorsqu’on vit dans un monde tout rose toute sa vie (ou du moins, qu’on croit vivre dans un monde tout rose) on ne pense guère aux garçons. Pourquoi s’embêter avec eux, lorsqu’on avait tout pour être heureuse ? Mais c’était du passé, inutile de s’attarder là-dessus. Tout ça pour dire qu’elle n’aurait - théoriquement - pas du se sentir aussi… bien avec cet étranger. Il faut se dire que surprendre Delilah ou encore même s’attirer ses bonnes grâces peut tantôt se révéler très simple – un vrai jeu d'enfant – tantôt très ardu (voire carrément impossible) : simple, car elle n'appartenait pas à cette catégorie de filles hypra-sensibles qui parviennent toujours à deviner on ne sait comment les plus intimes pensées des autres; ardu, car au fond, rien ou presque ne la touchait vraiment. Elle était assez… Elle avait envie de dire « blasée », mais ce n'était pas exactement le mot…

Nan. En fait, blasée, c'était très bien.

Voilà ce qui l’étonnait le plus dans cette histoire. Comment, par quel miracle du Saint-Esprit, ce jeune homme, dont elle ne connaissait même pas le nom au passage, avait pu attirer son attention ? Ce n’était sans doute pas grâce à son physique - pas parce qu’il était moche, bien au contraire ! - mais plutôt parce qu’elle ne s’arrêtait que très rarement sur les apparences. Souvent, les personnes les plus insignifiantes (physiquement parlant) pouvaient être de véritables perles. Ceci dit, elle ne niait pas que la beauté extérieure aidait, mais pour cet inconnu, ce n’était pas cette seule raison qui l’avait poussé à s’intéresser à lui. Il paraissait… différent. Non mais n’importe quoi, qu’était-elle en train de penser là ? Si elle n’était pas en train de tomber sous le charme, elle pouvait aller se nommer nonne tout de suite. Elle tombait sous le charme ? Elle ? Nooon. Impossible. Delilah, Miss Cœur de Pierre, ne pouvait pas se laisser prendre au piège que lui tendait habilement un… apollon dans son genre. Zut alors. Elle tombait vraiment sous le charme.

- Soit. Moi, c'est Ethan.

Elle sentit ses lèvres dessiner un sourire, qu’elle s’empressa de dissimuler en faisant semblant de remuer le peu de whisky qui restait dans son verre, avec une cuillère en plastique qui traînait, attendant qu’une personne s’intéresse à son pauvre cas de cuillère en plastique. Il était vraiment différent. Ou alors c’était elle qui était littéralement en train de délirer. La question qu’elle lui avait posée était un piège, ou un test, peu importe le nom qu’on lui attribuait. Bref. En tout cas, elle avait un minimum réfléchi avant de lui demander comment il s’appelait. Elle avait voulu savoir (en plus de son prénom, s’entend) s’il allait lui répondre, ou jouer la carte du mystère. Il ou plutôt Ethan, avait opté pour la première solution. Donc, elle put en déduire qu’il était poli et gentleman. Un homme sans manières aurait fait semblant de s’intéresser à autre chose, ou lui aurait retourné la question. Or, il ne l’avait pas fait. Et au final, ça jouait en sa faveur. L’espace d’un instant, Delilah se demanda si ce n’était pas l’une de ses stratégies pour la séduire. Ouais, c’était sans doute ça. Relevant le nez de son verre, elle plongea à nouveau son regard dans celui de… d’Ethan (décidemment, elle n’allait pas s’y faire), pour y déceler un petit quelque chose qui aurait pu la faire se ressaisir. Et bien non. Il était un peu trop parfait pour être vrai, sincèrement.

- Je ne prendrais qu'un coca merci.

Delilah haussa un sourcil, un peu surprise par sa réponse. Alors comme ça, il était raisonnable ? Une nouvelle pièce prit place dans le puzzle incomplet qu’était Ethan. Avec un intérêt non dissimulé, elle le regarda, pendant qu’il souriait à son tour. Elle qui pensait avoir affaire à une personne prête à boire plus que de raison, elle venait de tomber de très haut. Elle jeta un coup d’œil à son propre verre. Elle aurait presque (presque) rougit à cela. Elle était en compagnie d’un jeune homme séduisant, qui s’intéressait à elle (quel scoop ! Non, sans rire, ça faisait longtemps qu’aucun garçon ne s’était préoccupé du sort de Delilah. Selon leurs propres termes, il la jugeait de fille « bizarre ». Un terme bien vague selon elle) et qui n’abusait pas sur l’alcool. Trop parfait. Ces mots résonnèrent en écho dans son esprit, alors qu’elle essayait tant bien que mal de se dépêtrer de ses propres sentiments.

- C'est que, je dois rester sobre. J'ai eu mon compte pour l'alcool.

Cette simple phrase, pourtant prononcée sur un ton léger, eurent le don de plomber légèrement l’ambiance. Pour quelle raison ? Des souvenirs trop vifs, sans doute. La jeune femme pensa distraitement qu’elle aurait adoré redevenir amnésique, juste l’espace de quelques jours.

- Oh… fut la seule chose qu’elle put prononcer.

Il ne l’avait sans doute pas fait exprès, mais il avait ravivé en elle des tonnes de souvenirs peu agréables. Elle se reprit cependant bien vite, vu qu'elle savait que son regard pouvait la trahir parfois. Ses yeux étaient comme des miroirs, qui reflétaient tout ses états d’esprit. Relancer la conversation, et plus vite que ça. Avant cela, elle tapota sur le comptoir, en désignant le jeune homme du menton. Le barman sembla comprendre ce qu’elle avait voulu dire (et il avait sans doute aussi entendu leur conversation… Quel sans-gêne) car il amena bien vite un verre de Coca.

- Parlez moi un peu de vous… Ethan (décidemment…). Quel métier exercez vous ? Ne me dites pas que vous travaillez ici ?

Cette dernière phrase fut accompagné d’un geste vague de la main, qui englobait tout les alcooliques qui parlaient bruyamment dans leur dos, ou encore les femmes qui avaient l’air d’attendre leur prochaine conquête. C’était aussi une manière d'alléger l’ambiance.

- Oh…

Le mot qu'elle venait de prononçait sortit Ethan de sa torpeur. En effet, le jeune homme n'avait pas manqué d'admirer la belle inconnue. C'était fou, ses yeux semblait une passerelle entre le monde extérieur et son esprit. Elle semblait surprise devant l'attitude du jeune homme, mais en même temps amusée de la présence d'Ethan.
Se prenait-elle au jeu ? Allait-elle succomber au charme du policier ? Ethan l'espérait de tout cœur, et prenait du plaisir à rester à ses côtés.
Le barman apporta un verre de coca, qu'il porta à ses lèvres, le sirotant tranquillement. Ne pouvant retirer son regard de la belle inconnue, il sourit encore une nouvelle fois. Un sourire charmeur et envoûtant se forma sur ses lèvres.
En un court instant, il crut lire dans les yeux de la demoiselle de la tristesse, mais elle se reprit vivement.

- Parlez moi un peu de vous… Ethan. Quel métier exercez vous ? Ne me dites pas que vous travaillez ici ?

Le jeune homme sourit une fois de plus. La façon dont elle avait buté sur son prénom, sans doute trop habituée à ne pas le nommer, l'avait attendri. Une petite moue vint s'afficher sur son visage. Trop habitué à ce que ça soit les femmes qui lui raconte leur vie, il hésita avant de devoir... raconter sa vie. Ça, il aimait vraiment pas, mais alors pas du tout !
Il remarqua amèrement sans toutefois le laisser paraître que l'idée de se présenter n'avait pas effleuré l'esprit de la belle donzelle. Il aurait voulu pouvoir mettre un prénom sur son si beau visage.

- Je vous rassure, mademoiselle, je ne travaille pas ici. En vérité... Je suis agent de sécurité dans une université... Vous devez sûrement connaître Roosevelt University.

Il n'en dit pas plus, laissant la jeune femme méditait ses paroles. Reprenant son verre, Ethan but ce qu'il en restait en une seule gorgée. Il lui avait dit l'essentiel et ne voulait pas dire autre chose. De toute façon, pourquoi s'embêter avec des paroles futiles ? Le passé d'Ethan n'était pas fait pour être raconté, car il était vraiment trop banal. Et même les détails qui avaient écorchés le jeune homme à vif ne valaient pas la peine d'être rappelés.

- Humm, me voilà entrain de vous raconter ma vie, alors que je ne vous ai même pas demander votre nom. Puis-je y remédier où serait-ce trop indiscret ?

Ethan était indéchiffrable et pourtant si facile à comprendre… Ça en devenait déroutant. Par moments, elle n’arrivait pas à saisir ce que ses paroles voulaient dire, en dehors de leurs sens propre. Et à d’autres instants, elle était à même de savoir très exactement ce qu’il pensait ou imaginait. Ou du moins, elle voyait ce qu’il était en train de faire. C’était étrange, car Delilah avait pensé naïvement qu’elle serait la seule à l’observer sans honte aucune, mais en vérité, il faisait la même chose pour elle. En d’autres circonstances, elle aurait peut-être (voire sûrement) été gênée. Se faire dévorer des yeux par son interlocuteur n’était pas la chose la plus courante, c’était certain. Mais Ethan avait une façon bien à lui de la regarder, une façon… absolument craquante. A plusieurs reprises, elle fut obligée de détourner les yeux, en faisant semblant d’observer les ampoules au plafond par exemple. Ouais, elle était sous le charme, à tel point qu’elle ne se reconnaissait même pas. Où était passée l’intrépide Delilah, plus maligne et rusée qu’un renard, où était passée sa froideur de toujours ? Disparue dans un placard, juste le temps d’une soirée. Elle se rendit compte un peu trop tard que cette simple pensée, cette simple phrase pouvait comporter un double sens. Et pas quelque chose de très catholique, soit dit en passant.

Toujours (soi-disant) occupée à contempler les dessins ornant les murs du restaurant, elle ne put s’empêcher de revenir sur son sujet favori. Elle ne pouvait pas croire qu’un homme si beau pouvait exister sur cette planète. Et surtout que ce même homme puisse s’attarder sur elle, alors qu’elle faisait tout (et vraiment tout) pour être insupportable. Enfin, en théorie… Avec lui, elle avait plutôt l’impression d’avoir été assez… agréable. En effet, elle ne se reconnaissait plus. Elle nota qu’il arborait une moue désapprobatrice, comme s’il hésitait à lui répondre. Tiens… Voilà un sujet qui ne lui plaisait visiblement pas. Parler de lui ne faisait pas partie de ses priorités, dans ce cas. Par manque de confiance en lui ? Certainement pas. Parce que sa vie avait été un désastre total ? En tout cas ça ne se voyait pas. L’envie irrésistible qu’elle avait eu un peu plus tôt revint à la charge. Il fallait à tout prix qu’elle le peigne. Un visage et un sourire pareils ne pouvaient pas s’oublier. Ils ne devaient pas être oubliés. Était-ce un autre prétexte pour ne pas perdre totalement de vue Ethan ? Peut-être bien…

- Je vous rassure, mademoiselle, je ne travaille pas ici. En vérité... Je suis agent de sécurité, dans une université... Vous devez certainement connaître Roosevelt University.

Delilah chassa mentalement le petit Cupidon qui osait planter ses flèches dans son cœur, tout en se concentrant sur les paroles du jeune homme. Un policier ? Pour le coup, elle était sacrément étonnée. Il avait tellement l’air… comment dire… racé et situé dans un haut rang dans la société, qu’elle n’aurait pas imaginé une seconde qu’il exerçait un métier comme celui-ci. Qu’il lui dise qu’il ne travaillait pas grâce à la fortune gigantesque de ses parents l’aurait sûrement moins étonnée. Mais là… elle était presque sous le choc. Mais c’était une autre qualité qu’elle pouvait lui attribuer : il faisait un boulot sérieux, et plutôt important. Qu’il parle de l'université l’aurait fait rire aux éclats, si elle ne s’était pas retenue à temps. Rire au nez d’un jeune homme, pour une première rencontre, n’était sûrement pas la meilleure chose à faire… Sans répondre, elle le suivit des yeux, alors qu’il sirotait distraitement son Coca. Bon sang, même quand il buvait il semblait poser pour un magazine. Bon, elle devait se reprendre et vite, autant ne pas avoir l’air ahurie.

- Humm, me voilà entrain de vous raconter ma vie, alors que je ne vous ai même pas demander votre nom. Puis-je y remédier où serait-ce trop indiscret ?

Ah, voilà la question qu’elle attendait. Bah oui, l’ancienne Delilah n’était pas véritablement partie, la preuve, elle était à l’affût du moindre scoop à se mettre sous la dent. Elle avait fait exprès de ne pas donner son prénom, pour deux raisons : la première était qu’elle ne voulait pas donner son identité, si cette rencontre n’avait plus aucune suite. Deuxièmement, elle voulait à nouveau tester Ethan. S’il ne lui avait pas posé cette question, cela aurait voulu dire qu’il ne s’intéressait qu’à lui et qu’il était un égoïste fini. Là, il avait choisi la bonne solution, et c’était vraiment génial. Rien ne prouvait qu’il n’était pas imbu de sa personne, mais au moins, il parvenait à le dissimuler. Hum, il était doué, c’était indéniable. Finalement, il méritait sûrement un peu plus de confiance de sa part, et même quelques réponses un peu moins évasives. Ça ne voulait pas dire qu’elle ne voulait pas s’amuser encore un peu, au contraire. C’était tout elle ça : calculatrice, joueuse et toujours prête à classer n’importe qui. Ethan avait une mention spéciale : il était inclassable. Elle était d’ailleurs en train de se demander si c’était une bonne ou une mauvaise chose. Laissant cette interrogation de côté, elle prit son air enjoué, celui qu’elle utilisait très rarement.

Delilah avait un peu hésité sur la conduite à tenir, mais au final… autant continuer sur sa lancée. Le jeune homme semblait être un séducteur incomparable. Elle-même n’avait jamais testé son pouvoir de séduction sur les hommes, mais c’était peut-être le moment d’essayer. Si, comme elle le pensait, il aimait les femmes, elle n’aurait aucun mal à le draguer en bonne et due forme. Elle allait se servir de ses yeux et de ses atouts féminins, tout bêtement. Beaucoup de filles étaient jalouses de la couleur de ses prunelles, elles lui avaient suffisamment dit comme ça. Et pour les atouts… quel homme normalement constitué pouvait résister à ça ? Non mais je vous le demande. Pour une fois, elle était heureuse de s’être habillée exactement comme la circonstance l’exigeait. Une robe blanche, lui arrivant au dessus des genoux, assez décolleté… Si avec ça elle n’y arrivait pas, c’est qu’elle était vraiment nulle. Ils étaient déjà proches l’un de l’autre, mais elle se rapprocha encore plus, jusqu’à ce que sa cuisse vienne frôler celle d’Ethan. La sienne étant dénudée, bien entendu… Elle lui souffla alors à l’oreille :

- Appelez moi Delilah.

Et c’était hors de question qu’elle s’écarte de lui. Cette proximité lui plaisait, finalement.

D’habitude, quand Ethan commençait à draguer, il avait le droit à deux types de femmes. Les demoiselles si timides qu’elles étaient emballées dès la première œillade, la première parole. Les autres venaient les premières, s’arrangeant de mettre leur poitrine sous son nez et l’embrassant presque de suite. La jeune femme assise à côté de lui était inclassable.
Pour la draguer, la technique qu’il utilisait était… déroutante. Il en était surpris lui-même. Rien que la demoiselle était déroutante. C’était la seule de ces multiples conquêtes qui lui parlait pour après se désintéresser de lui. Et peu d’entre elles lui demandait son prénom, encore moins son métier. Il n’y avait qu’elle pour faire ça ou quoi ? D’habitude, c’était les demoiselles qui avaient la langue la plus déliée, ne permettant même pas à Ethan d’en placer une.

La plupart du temps, le jeune homme savait juger les attitudes de ses conquêtes. Il savait doser ses répliques et ses œillades en fonction des femmes auquel il avait affaire. Pourtant, il ne savait pas quoi penser de la belle étrangère. Allait-elle le rembarrer ou, au contraire, allait-elle céder ? Ethan était presque certain qu’elle était sous le charme. Sentant le regard du jeune homme sur elle, elle souriait et tournait avec frénésie une cuillère dans son verre tout en faisant mine de s’intéresser aux dessins qui ornaient les murs du bar. Puis, de temps en temps, elle se retournait vers lui et le regardait à son tour, une lueur joueuse dans le bleu de ses prunelles.

Petit à petit, elle se rapprocha vers lui, jusqu’à frôler la cuisse du jeune homme. Vêtue d’une robe légère, décolletée et courte, elle était sublime. Ethan dut se faire violence pour s’empêcher de caresser sa cuisse dénudée qui devait être aussi douce et veloutée que la prunelle de ses yeux. Il attrapa le rebord du comptoir d’une main, sans laisser paraître ce geste cripé et pianota sur le bois lustré avec ses doigts. Il jugea longuement leur proximité, laissant son regard fixé sur leurs jambes presque collées. Puis, il remit son regard sombre dans celui de la jeune femme et sourit.

- Appelez-moi Délilah, murmura-t-elle à son oreille.

Son prénom allait à merveille avec son joli minois. Frais, agréable à entendre, on l’aurait cru conçu pour elle. D’ailleurs, il ne connaissait pas beaucoup de Délilah à part elle.
Il détendit ses jambes et bougea un peu. Sa position, jambes croisées et mains serrées, commençait à être pesante et ses membres commençaient à s’engourdir.

- Et bien, c’est un très joli prénom Délilah… Qui vous va à merveille.

Il avança sa tête et la posa sur sa main d’un geste nonchalant. Leurs visages étaient si proches que ses lèvres pourraient rencontrer celles de la jeune femme sans aucun effort. Mais il était assez intelligent et raisonnable pour savoir que ce geste qu’il brûlait envie de faire ne serait pas sans conséquence. Ce serait une bêtise d’apprenti qui ferait tout tomber à l’eau. Il se contenta donc de murmurer à l’égard de Délilah tout en la regardant de ses yeux noirs et veloutés.

- Et vous Délilah… Que faites-vous dans la vie ?

Qu’il était délectable de voir le jeune homme dans une situation dans laquelle il n’avait jamais posé un seul pied. Ses mimiques, son regard… Tout laissait à voir qu’il ne comprenait pas où elle voulait en venir, et qu’il ne la comprenait pas tout court. Le contraire l’aurait étonnée, d’ailleurs… Personne ne saisissait l’étrange comportement de Delilah, ils ne cherchaient d’ailleurs pas à chercher ce qui la motivait réellement. Parfois, même elle se demandait pourquoi elle faisait telle ou telle chose, c’est pour dire à quel point elle était bizarre. Mais d’un autre côté, elle se faisait un plaisir presque sadique à garder tout son passé secret, tout ses problèmes bien enfouis dans un coin de sa tête à l’abri des regards indiscrets. Ici, comme ailleurs, elle n’était ni plus ni moins que la jeune femme un peu délurée, qui passait son temps dans son atelier de peinture. Tous les artistes étaient des incompris, n’est-ce pas ? Et bien voilà, c’était très exactement ce que les autres pensaient d'elle. Et pourquoi les contrediraient-elle ? Qu’ils parlent d’elle en mal ou en bien, elle s’en fichait royalement. Sa réputation était déjà faite, et puis ce n’est pas comme si c’était un drame.

Enfin, là n’était pas le réel sujet de base. Ce qui l’intéressait, pour le moment du moins, c’était ce beau jeune homme du prénom d’Ethan. Il avait beau être totalement inconnu pour elle, et il avait beau avoir le même genre de réaction que tous les autres garçons qu’elle avait put draguer… il n’empêche qu’il la captivait. Peu de gens avait la chance (ou la malchance, tout dépend de quel point de vue on se place) de s’attirer une seule once d’attention de la part de Delilah. Certains enrageaient de cela, d’autres étaient presque soulagés que cette jeune femme passe son chemin. Dans quel camp se situait le bel agent de sécurité ? Ni dans l’un, ni dans l’autre… la situation et le contexte étaient si différents. On ne pouvait guère classer quelqu’un dans pareilles circonstances. En tout cas, elle avait l’air de lui faire de l’effet. Il avait suffit qu’elle s’approche un peu pour qu’il dérape et laisse entrevoir une faille dans sa muraille. Depuis le début, elle n’avait vu que l’apparence du jeune homme dragueur et coureur de jupons. Et surtout sûr de lui. Elle trouvait une autre facette de sa personnalité : celle de l’homme en train de se contrôler. C’était plutôt flatteur pour elle, en fin de compte…

Était-ce juste une impression ou était-elle vraiment en train de s’amuser ? Ce n’était pourtant pas son genre… Et pire que ça… elle commençait à apprécier la compagnie d’Ethan. Oh non. Tout mais pas ça. Pourtant, elle savait qu’il ne fallait pas qu’elle s’attache avec quiconque, elle l’avait toujours su. On ne pouvait pas compter sur les autres, la seule personne à qui l’on pouvait se fier était soi-même. Depuis le temps, franchement, elle aurait du le comprendre, non ? N’avait-elle pas eu suffisamment de déceptions dans sa vie ? N’avait-elle pas eu son lot d’ennuis ? N’avait-elle pas juré qu’elle prendrait garde aux autres et que surtout, elle ferait de son possible pour éviter l’humanité en général ? Ce n’était pas pour rien qu’elle était professeur en arts. Premièrement, la peinture était la seule chose réelle, de vraiment pure et sûre. Deuxièmement, elle travaillait en compagnie de jeunes personnes, tout aussi naïves qu’elle l’avait été un jour. Ethan était adulte, tout comme elle. Et en toute logique, il savait ce qu’il faisait… Si elle ne se reprenait pas bien vite, elle tomberait de haut, et elle ne pourrait plus jamais se raccrocher à quoique ce soit. La vie n’était qu’un jeu, mais un jeu dangereux. Mais elle n’en avait pas envie. Elle n’avait aucune envie de faire comme d’habitude, elle voulait… elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Là était tout le problème.

- Et bien, c’est un très joli prénom Delilah… Qui vous va à merveille.

Ce n’était pourtant pas son prénom favori, quant à elle. Si elle avait voulu se la jouer peste et menteuse, elle lui aurait dit qu’elle s’appelait Bailey. Mais, d’une certaine façon, elle n’avait pas voulu lui mentir… Voilà qu’elle recommençait tiens. Son regard fit la navette entre leurs jambes dangereusement proches et entre le regard sombre d’Ethan, qui continuait de l’observer. Elle aimait la façon dont il avait prononcé son prénom, sur cet air suave… A cet instant, elle avait aimé son prénom. Il semblait dix mille fois plus beau lorsque c’était lui qui le prononçait. Le visage du jeune homme était incroyablement près du sien, à tel point que si elle avait voulu, elle aurait pu l’embrasser sans difficulté. Elle n’était cependant pas bête, au contraire. On n’embrassait pas les inconnus, même quand ceux-ci se révélaient si charmants et charmeurs. Profitant d’un instant de répit, elle recula légèrement, en prenant soin de ramener sa jambe loin de celle d’Ethan. Elle n’était pas si loin que ça, en définitive, mais suffisamment pour qu’elle ne sente plus la chaleur qui émanait du corps du jeune homme. Il reprit, sur ce même ton doux :

- Et vous Délilah… Que faites-vous dans la vie ?

C’était pile la question qu’elle attendait. Elle faisait en sorte de garder une expression froide et complètement désinvolte, juste pour garder l’effet de surprise. Car, oui, elle lui réservait quelque chose, et il ne fallait pas que ça tombe à l’eau tout de suite. Fixant son regard bleu océan sur son verre, elle prit son temps pour lui répondre. Comment pourrait-elle lui dire le métier qu’elle exerçait ? Oh, elle pourrait toujours répondre avec le même style de phrase que le jeune homme avait utilisé. Autant continuer sur sa lancée, vu qu’elle était partie pour être enjouée…

- Je suis professeur en arts, dans une université... Vous devez certainement connaitre Roosevelt University.

Delilah avait prononcé ces derniers mots en riant, signifiant au beau policier qu’elle plaisantait, mais qu’elle connaissait bel et bien cette école, vu qu’elle travaillait là-bas. En plus, elle avait étudié là-bas, donc oui, elle commençait à connaître. Hop, il fallait maintenant qu’elle lui dise l’idée qui lui avait traversé l’esprit (plus que traversé, en réalité…) lorsqu’elle l’avait vu. Sur le ton de la confidence, elle lui avoua :

- Vous feriez d’ailleurs un très bon modèle…

Elle fit glisser son regard sur le corps merveilleusement bien construit du jeune homme, ne se gênant pas pour le déshabiller du regard. Avec un minimum d’intelligence, il comprendrait parfaitement où elle voulait en venir. Le peindre, c’était une chose, mais faire un nu… c’était encore autre chose. Bien entendu, elle ne voulait pas le forcer à approuver ce qu’elle lui avait dit. C’était juste une idée comme ça, dite en passant. Des idées, elle en avait plein la tête, encore heureux pour elle qu’elle ne s’attardait pas sur chacune d’entre elles. Delilah eut cependant l’envie d’écouter ce qu’elle s’empêchait d’entendre, d’ordinaire. Quelque chose de farfelu, mais au point où elle en était… Il était tard, le nombre de personnes dans le bar ne s’était pas amoindri le moins du monde. Elle aurait put en être gênée, surtout après ce qu’elle prévoyait. Mais depuis quand se souciait-elle de l’avis des autres ? Delilah et Ethan devaient être les seules personnes sobres du bar, toutes les autres étaient ivres, ça se voyait et s’entendait.

La jeune femme s’approcha du bel inconnu, tout en faisant glisser l’une de ses mains sur celle d’Ethan. Son autre main entreprit de défaire le premier bouton de sa chemise, juste assez pour qu’on puisse voir légèrement son torse. Elle s’était bien plus rapprochée que précédemment, sa jambe se pressait contre celle du jeune homme, à mesure que son propre cœur émettait des battements de plus en plus forts. Que faisait-elle ? Elle n’en savait strictement rien. L’alcool lui était peut-être monté à la tête, après tout… Approchant son visage, elle lui souffla :

- Et si je vous disais que je n’ai rien d’une fille convenable, vous me répondriez quoi ?

Ethan était enthousiaste. Cette soirée l’amusait, plus que toutes autres soirées qu’il avait pu passer. Déjà, c’était rare, voire unique d’avoir affaire à ce genre de fille qu’était Délilah. De plus, son caractère était assez… bizarre lui aussi. Elle pouvait être aussi froide et indifférente qu’amusée et joueuse, elle aussi. Il commençait à apprécier leur proximité quand la jeune femme se recula légèrement, mais assez pour que le policier ne sente plus sa chaleur. Une raison de plus venait s’ajouter à son humeur… qu’Ethan devinait très lunatique. Pourtant… Si cette jeune femme était comme il l’imaginait, car il avait un mal fou à la cerner, elle n’aurait pas du lui prêter attention… Enfin, il n’en savait rien. Délilah avait plusieurs personnalités et il ne tarderait pas à découvrir ses multiples facettes.

- Je suis professeur en arts, dans une université... Vous devez certainement connaitre Roosevelt University.

Ethan rit à son tour. Par cette phrase, il avait compris que sa question était un peu bête, car tous le monde connaissait Roosevelt, et même qu'il était tombé sur une femme qui travaillait là-bas. Qu’elle soit professeur d’art n’étonna guère le jeune homme. Le statut d’artiste lui allait à merveille. Il sourit. Délilah était… exotique en fin de compte. Et il commençait à aimer ça. D’ailleurs, ça lui changeait des jeunes femmes trop « faciles » ou des trop provocantes. S’il remportait la partie avec la jeune femme assise à côté de lui, il pourrait bien gagner la palme du meilleur dragueur de la région. Et sans orgueil.

- Vous feriez d’ailleurs un très bon modèle…

Le policier haussa un sourcil d’étonnement. On lui avait maintes fois qu’il était mignon, beau, sexy, sublime, qu’il était vraiment une bombe et d’autres. Mais jamais personne ne lui avait avoué qu’il ferait un très bon modèle. Et, vu le regard de la jeune femme sur son corps, ça ne devait pas être avec des vêtements sur le corps.
Elle voulait le peindre. Soit. Mais le voulait-il vraiment ? En réalité, il n’avait jamais osé aborder la question. Il n’avait jamais eu un ego trop surdimensionné, et l’idée d’être un modèle ne lui avait jamais effleuré l’esprit.

Il ne répondit pas à cette parole, avouée presque sur un ton de confidence. Il préférait garder le silence et voir ce qu’y allait se passer après. Bonne initiative. Délilah vint à nouveau se glisser près de lui, beaucoup plus proche que la dernière fois et vint glisser sa main sur celle d’Ethan. Le jeune homme, surpris par l’attitude de la jeune femme, avait repris son attitude d’homme sur, fier de lui. Il recommençait à prendre la situation en main, enfin, l’espérait-il. Avec ce qu’il avait vu de la femme à ses côtés, il n’était pas encore au bout de ses pertes. Elle lui réservait plus d’un tour dans son sac, il en était sur.

Une main toujours posée sur la sienne, son autre main vint déboutonner un bouton de sa chemise. Intéressant…
Ethan emprisonna ses poignets d’un geste doux et, caressant avec légèreté la peau veloutée, la regarda d’un air enjôleur.

- Vous devez être pressée de me peindre, mais je pense que ce n’est pas une très bonne idée de le faire ici.

Il rit. Elle était vraiment amusante, vraiment. Sans avoir dévoilé sa réponse de sa dernière question (qui n’en était pas une, mais qui était chargée de sous-entendus), il regarda Délilah encore une fois, puis relâcha ses bras fins. Il laissa tomber nonchalamment sa main et frôla l’épaule et la cuisse, toutes deux dénudées de la jeune femme à ses côtés. Il aurait pu éviter de frôler sa peau soyeuse, oui il l’aurait pu. Mais il ne l’aurait pas fait.

- Et si je vous disais que je n’ai rien d’une fille convenable, vous me répondriez quoi ?

La soirée s’annonçait bien. Très bien même. Il lui chuchota à l’oreille :

- Je vous répondrais alors que nous sommes quittes.

Tic, tac, tic, tac…. L’heure tournait, les effluves de parfum d’Ethan s’accentuaient, les murmures du restaurant se faisaient de plus en plus feutrés. Était-ce l’alcool qui faisait perdre ses repères à la jeune femme ? Elle ne pouvait pas être sous le charme du jeune homme, c’était impossible. Elle n’avait pas envie d’y croire, elle ne voulait pas se classer parmi toutes ces… minettes qui défaillaient au moindre battement de cils d’Ethan. Elle était différente, ou du moins elle avait toujours essayé de tout faire pour. Cet inconnu, aussi beau soit-il, n’aurait pas le mérite de briser la glace qui cloisonnait le cœur de Delilah. Personne n’y était parvenu, et personne n’y parviendrait jamais.

Mais n’était-elle pas tout simplement en train d’essayer de se convaincre, elle et elle seule ?

Sa vie avait toujours été dictée par la droiture, ou alors s’en rapprochant. Elle avait la réputation d’être une manipulatrice, mais au final… elle ne faisait de mal à personne. Ah si, peut-être à l’ego si imposant de la gente masculine. Depuis longtemps elle avait comprit que les hommes étaient tous les mêmes, et n’attendaient qu’une seule chose, bien précise. La personne qui se tenait près d’elle lui semblait différent, mais était-ce seulement réel ? Ou était-ce une bête impression ? Elle se sentait pourtant incapable de refaire la même chose à ce jeune homme, chose qu’elle prenait pourtant tant de plaisir à faire lorsqu’un bel homme se présentait.

La suite des évènements eut pour effet d’étonner encore plus la jeune demoiselle. Tout n’était qu’un jeu, tout n’était qu’illusions et faux semblants… Ethan l’avait-il compris, ou prenait-il les choses au sérieux ? Elle n’eut pas le temps de vouloir ne serait-ce que poursuivre son geste, que le jeune homme lui avait emprisonné les poignets, dans un geste étonnamment doux. Elle aurait pu essayer de se libérer, le repousser ou tout autre réaction qualifiée de normale… Mais elle ne le fit pas. Était-ce son contact qui l’en empêchait ?

- Vous devez être pressée de me peindre, mais je pense que ce n’est pas une très bonne idée de le faire ici.

Delilah se mit à rire à son tour, très amusée par ce qu’il croyait qu’elle voulait faire. Elle le testait… c’était comme ça que tout commençait, et comme ça que tout se terminait généralement. Mais là, tout était différent, tout allait trop vite à son goût.

- Je ne comptais pas le faire maintenant… rassurez vous.

Ce qui, en un sens, sous entendait qu’elle voulait le faire… mais à un autre moment. Mais ses paroles étaient-elles à l’exactitude de ses pensées ? Pas tout à fait. Le jeu consistait à une marque d’éloignement pour Delilah, un moyen comme un autre de ne pas s’attacher à l’autre. Mais cette fois-ci, elle avait envie d’oublier ses préjugés, d’oublier ses peurs… Pouvait-elle seulement espérer que cette fois serait la bonne ? Malgré ses réflexions, elle sentit très nettement la main d’Ethan lui effleurer l’épaule et la cuisse… Comment de simples gestes pouvaient-ils lui faire cet effet ? Et il lui déclara qu’ils étaient quittes. Ainsi donc, ils n’étaient peut-être pas si différents l’un de l’autre… Mais jusqu’à quel point ?

- Dites moi, vous possédez plusieurs prénoms vous aussi ?

Balayant le restaurant du regard, elle tomba un peu par hasard sur l’horloge, qui annonçait qu’il n’était plus très loin de minuit. Il était drôlement tard à présent… Elle voulait cependant clarifier un point, avant toute chose.

- Ethan, ça vous dérangerait beaucoup qu’on se tutoient ? Ce vouvoiement commence un peu à me déranger…

Que faire maintenant ? Elle était loin d’être une Cendrillon, qui se transformerait en souillon dès minuit… mais quand même. Elle donnait des cours le lendemain, et le manque de sommeil ne lui apporterait rien de bon. Pouvait-elle décemment partir maintenant ? Une chose était sûre : elle ne le voulait pas.

L’heure tournait. Le bar commençait à se vider, les clients lassés par la musique et l’éclairage tamisé de la pièce, ou trop abrutis par l’alcool pour poursuivre leur nuit sur place. Ethan, habitué à veiller jusqu’à tard, n’en paraissait pas le moins du monde gêné. Délilah, par contre, montrait des signes de fatigue, et peut-être aussi de stress – peur d’être dans ce bar depuis si longtemps –, après ça ne pouvait être qu’une illusion mais Ethan était assez perspicace par rapport à ça.

Délilah était-elle gênée par ses mains qui emprisonnaient ses poignets d’un geste infiniment doux et par la caresse de son épaule et de sa cuisse dénudée ? Elle était prof, donc Omicron elle aussi. Le jeune homme était étonné de n’avoir pas vu une si belle femme à Roosevelt plus tôt. Il aurait sauté sur l’occasion beaucoup plus tôt… Mais bon, ce qui comptait, c’est qu’il s’amusait comme un fou pendant cette soirée.

- Je ne comptais pas le faire maintenant… rassurez vous.

Ethan ne répondit rien, se contentant de sourire. Un sourire délicieux et charmeur, bien mis en valeur par sa capacité spéciale. Certes, c’était un peu honteux de sa part de se servir de ça pour faire de l’effet à Délilah. Mais de toute façon, il n’y pouvait rien, et ne pouvait stopper son pouvoir pendant quelque instants. En même temps, il n’en savait rien, ne l’ayant jamais essayé.

- Dites moi, vous possédez plusieurs prénoms vous aussi ?

Il ria. La jeune professeur était vraiment excentrique. Ethan n’utilisait tellement pas ses deux autres prénoms qu’il ne s’en souvenait guère. On lui avait déjà dit que le prénom Joshua était très beau. Lui se contentait nettement d’Ethan, qui était assez mélioratif.
Il passa une main dans ses cheveux, puis la posa à côté de celle de Délilah. Ses sombres prunelles plongèrent dans celles, turquoise de la jeune femme et il lui sourit en disant :

- Oui, je possède deux autres prénoms. Et vous ?

Guettant la réponse qui n’arrivait pas, il se dit que la belle demoiselle ne devait pas se contenter de cette réponse implicite. Elle devait être du genre têtu… A moins qu’elle prenne un plaisir presque sadique de voir l’agent de sécurité se dévoiler si ouvertement.

- Joshua et William, lui glissa-t-il à l’oreille d’une voix douce.

Alors heureuse ? Apparemment non, car elle continua sur sa lancée.

- Ethan , ça vous dérangerait beaucoup qu’on se tutoient ? Ce vouvoiement commence un peu à me déranger…

Question qu’il n’avait pas prévu. Tout d’un coup, il ne se souvint pas ce qu’il faisait avec les autres filles avant…

- Ca ne me dérange pas. C’est comme tu veux.

Peut-être que finalement, Delilah allait pouvoir combiner deux envies, ou besoins… Elle avait besoin de rentrer, car ce n’était guère raisonnable de sa part de rester tard dans ce restaurant. Après tout, elle n’était pas professeur pour rien, ce métier relevait un minimum de discipline. En second plan, elle voulait rester avec Ethan, pour une raison des plus inconnues. Peut-être que si elle arrêtait de se mentir, elle allait enfin pouvoir réussir à quelque chose. Très calmement, elle essaya d’analyser la situation… qu’avait-elle ressenti lorsque le jeune agent de sécurité l’avait prise par les poignets ? Il lui semblait qu’elle avait apprécié. Oui, vous avez bien lu… Miss Cœur de Pierre se laissait attendrir par un inconnu de première base. Finalement, elle n’était pas si différente de toutes ces filles, c’était… débilitant. Surtout qu’elle le savait pertinemment. Si elle laissait ne serait-ce qu’une toute petite ouverture à sa muraille faite de béton armée… Ethan en profiterait. Et après ? Il l’amènerait dans son lit, et la larguerait ? Où était l’intelligence dans tout cela ?

Peut-être qu’elle s'en fichait, tout simplement. Qui sait ?

- Oui, je possède deux autres prénoms. Et vous ?

Elle fut tentée, l’espace d’un très court instant, de lui répondre. Mais elle ne voulait pas… commencer à nouer des liens, juste par une réponse toute bête, ne lui apporterait que de la souffrance. Elle ne pouvait pas commettre cette erreur impardonnable. Pour le moment, elle se fichait de savoir ce qu’Ethan pouvait bien penser de son silence… elle se concentrait simplement sur ce qu’elle ne devait pas dire. Observez attentivement la réaction typiquement masculine : plus vous courrez après un mec, plus il fuit. A contrario, plus vous fuyez, plus il vous suit… Bizarre la vie, n’est-ce pas ? Ethan ne dérogea pas à la règle, et fit exactement ce que Delilah attendait : il lui répondit.

- Joshua et William.

Un sourire aux coins des lèvres, elle ne put s’empêcher de noter qu’il lui avait soufflé cela à l’oreille, d’une voix incroyablement douce. Sa tactique pour ne nouer aucun lien ne marchait jamais avec lui… Oh et puis, elle était déjà au bord du précipice, pourquoi s’entêter à vouloir rester sur ce même bord ? Surtout que le gouffre qui l’attendait était on ne peut plus séduisant…

- J’ai deux autres prénoms moi aussi. Bailey et Valendra…

A aucun moment elle n’avait voulu lui mentir, et pourtant elle aurait pu. Ceux qui la connaissait savait que Delilah avait une sainte horreur de son troisième prénom. Chose qu’avait bien compris la femme qui l’avait élevée, soit dit en passant. Vite, elle changea le sujet de ses pensées, histoire de ne pas laisser l’opportunité à Ethan de voir qu’elle ressassait de mauvais souvenirs.

- Ca ne me dérange pas. C’est comme tu veux.

Il avait le don de la faire sourire, même lorsqu’elle s’en empêchait elle-même. C’était dingue… En tout cas, elle trouvait que le tutoiement sonnait bien mieux que la formule de politesse qu’usaient et abusaient les deux jeunes gens. Surtout quand on savait que la jeune professeur s’était amusée à s’approcher d’un peu trop près du bel apollon. Comment se faisait-il qu’elle ne l’ait jamais rencontré auparavant ? Ses cours la rendait à ce point aveugle au monde qui l’entourait ? Repoussant son verre désormais vide, elle cherchait quelque chose à répondre…

- C’est très bien. Mais je vais devoir te laisser Ethan…

Mm, laisser cette phrase en suspens pouvait porter à confusion. Malgré qu’elle fasse partie de l’équipe administrative de l’école, Delilah suivait avec attention les ragots que répandait Secret Thing. Jusque là, elle avait réussi à échapper aux mailles du filet ravageur de la chère blogueuse. Mais… elle avait des doutes sur cette discrétion à présent. Et si elle était la prochaine cible ?

- C’est que, j’ai des cours à préparer pour mes élèves, et demain sera certainement une journée chargée. J’ai déjà abusé sur l’alcool…

Plongeant son regard océan dans celui, nettement plus sombre, d’Ethan, elle ajouta.

- Mais j’ai été ravie de te rencontrer. J’ai passé une soirée très agréable.

Délilah lui répondit quelques minutes plus tard, après que le jeune homme lui ai apprit ses deux noms. Qu'avait-elle dit ? Ah oui, Bailey et Valendra. C'était de jolis noms, surtout Bailey. Ils allaient aussi bien à la jeune fille que Délilah, même si Ethan devait la revoir, il ne se contenterai de Délilah.
Sa commissure des lèvres se releva, esquissant un sourire délicieux, puis la jeune femme repoussa son verre vide.

- C’est très bien. Mais je vais devoir te laisser Ethan…

Alors qu'il était si proche du but ? Il n'en était pas question. Ethan n'avait pas envie de la voir partir maintenant, même si minuit était passé depuis assez longtemps. Aurait-elle un rendez-vous avec un homme ?

- C’est que, j’ai des cours à préparer pour mes élèves, et demain sera certainement une journée chargée. J’ai déjà abusé sur l’alcool…

Ah, ce n'était que ça. Madame était une sainte-nitouche, ou tout simplement elle était crevée. Ethan ne dit mot, attendant une autre tirade de Délilah qu'elle avait apparemment au bout des lèvres. Ethan se plongea une dernière fois dans l'abysse sans fin de ses yeux bleus puis elle ajouta.

- Mais j’ai été ravie de te rencontrer. J’ai passé une soirée très agréable.

Ethan ne put retenir son sourire. Il avait peut être perdu mais il était presque certain que l'artiste n'oubliera pas leur rencontre. Il ne put cependant retenir un soupir, mécontent que tant d'efforts ne conduisent à rien. Au moins, il savait qu'il pourrait toujours la rencontrer à Roosevelt, puisqu'elle y enseignait l'art. A moins que... Oui, il allait continuer cette soirée.
Délilah commença à se lever, visiblement gênée par le silence du jeune homme quand celui-ci l'attrapa par le bras. Surprise, elle s'arrêta quelques secondes.

- Attend...

Il la regarda, dardant ses prunelles envoûtantes dans les siennes. Il se creusa la tête pendant un court instant, cherchant une réplique qui pourrait persuader Délilah qu'Ethan était peut-être bien l'homme de sa nuit.

- Tu dis avoir abusé sur l'alcool et nous sommes tous deux à Roosevelt. Laisse-moi te raccompagner chez toi.

Elle en avait envie.

Un désir inconditionnel et irrépressible de rester auprès d’Ethan. Quelque chose de si fort, qu’il frôlait le besoin vital. Était-il donc le seul à avoir réussi le défi de percer la carapace de glace de Delilah ? Était-ce le seul homme sur cette planète à lui faire perdre à ce point ses moyens ? Pourquoi lui et pas un autre ? Elle n’en savait rien, mais les faits étaient là… Cet inconnu (ou presque) l’avait déjà faite succomber à son charme. Et elle était prête à parier, que malgré tout ses efforts surhumains, il allait être celui qui lui ferait le plus de mal, un jour. Peut-être ne serait-ce pas intentionnel, mais cet attachement n’était bon pour personne, et surtout pas pour elle. Pourtant, rien ne l’incitait à se l’avouer. Parfois, le mensonge fait moins souffrir que la vérité… Hélas, elle se doutait déjà de la tournure que prenait les choses.

Pour tous, autant les professeurs que les élèves, Delilah était la jeune femme un peu excentrique, timbrée et légèrement hystérique lorsque la situation l’exigeait. Elle était aussi l’amie sur qui on pouvait compter, même lorsque celle-ci n’avait pas dormi de la nuit, à veiller tard pour terminer ses corrections. Mais elle restait Miss Cœur de Pierre, ainsi surnommée par quasiment toutes les personnes de Roosevelt University. Celle qui était cynique, qui ne flanchait jamais devant un bel homme, qui savait quoi répondre, comment et dans quelle circonstance. Elle n’avait jamais été rien d’autre pour eux. Mais au fond d’elle, tout au fond, elle savait qu’une autre facette d’elle-même se cachait, attendant l’occasion pour se manifester. Elle était avant et toute chose une femme éperdument seule, et malheureuse. Beaucoup de personnes auraient trouvé ça charmant, voire même touchant… mais elle trouvait ça déplorable. Sa plus grande erreur serait de dévoiler sa fragilité. Elle ne pouvait pas se le permettre, elle se l’interdisait. Quiconque saurait cela serait à même de la détruire définitivement. Et elle avait un minimum d’intelligence pour ne pas le vouloir. C’est donc sur ces pensées peu réjouissantes, il faut l’admettre, que Delilah se releva, s’apprêtant à partir et à ne pas donner suite à cette rencontre. Quand Ethan la surprit encore plus que toutes les fois précédentes.

- Attend...

Son regard fit la navette entre la main qui enlaçait son bras et le visage du jeune agent de sécurité. Ce qu’elle vit dans son regard ne la dirigeait vers aucune piste fiable. Néanmoins, elle avait l’impression qu’il désirait la même chose qu’elle. Continuer cette soirée, en sa compagnie. Un si petit détail n’aurait pas du lui faire tant d’effet, et pourtant… Sa respiration sembla s’accélérer davantage, suivant le mouvement de son cœur.

- Tu dis avoir abusé sur l'alcool et nous sommes tous deux à Roosevelt. Laisse-moi te raccompagner chez toi.

Elle avait le choix. On avait toujours la possibilité de décider, de choisir. Là en l’occurrence, elle pouvait soit refuser catégoriquement, comme elle savait si bien le faire, (Autrement dit, mettre un terme à ce qui était en train de prendre forme, et éliminer le danger potentiel. Oui, c’est ce qu’il était, rien que sa facilité à avoir réduit à néant son mur de béton, prouvait qu’il était différent.) mais, et c’était sans doute le plus effrayant, elle avait une autre possibilité, une autre façon de voir le contexte. Delilah pouvait décider d’accepter. Elle avait toujours eu besoin de quelqu’un, n’était-ce pas le moment de se l’avouer ? Et même si ce quelqu’un n’était là que pour une soirée, une nuit… Faisant glisser son bras, de sorte que sa main se retrouve dans celle d’Ethan, elle souffla.

- Viens.

C’est tout ce qu’elle était à même de dire pour l’instant. Tout aussi calmement, elle lâcha la main du jeune homme et sortit du restaurant. Il était tard, la nuit était tombée depuis longtemps maintenant… C’est sûrement à cet instant qu’elle se rendit compte que sa tenue n’était sans doute pas appropriée, en tout cas pas à cette heure. Ils étaient en mai, et le temps était au beau fixe, seulement la température descendait très nettement la nuit. Et une aussi fine robe comme la sienne ne pouvait guère la protéger des courants d’airs. Le tissu blanc de sa tenue voletant, soulevé par la brise légère, Delilah tenta de se réchauffer les bras avec ses mains… Le tableau idéal pour bien montrer qu’elle était frileuse.

Ethan avait envie de rester auprès d'elle. Pas que pour que ses efforts mènent à quelque chose. Rien que pour lui parler, ou l'écouter parler de tout et de rien, être envouté par sa voix claire et fraîche. Juste pour le plaisir de la regarder assise à côté de lui, de sentir son parfum fruité et son odeur envoûtante.
Délilah était intelligente, c'était certain. Avait-elle compris ce que tramait le jeune homme mais ne lui avait rien dit, juste pour le plaisir de l'envoyer bouler après.

Non.

Elle fit glissé son bras, faisant en sorte que sa main se retrouve dans celle d'Ethan et arracha à celui-ci un frisson, si petit et discret qu'elle ne l'entendit sûrement pas. Puis lui demanda de la suivre, acceptant sans aucun doute l'invitation polie de son compagnon. Ethan avait toujours cet air sur de soi et un sourire séduisant glissait sur ses lèvres. Il se leva de son tabouret, ne desserrant pas sa prise sur la main de Délilah, récupéra sa veste en cuir qu'il jeta sur ses épaules et laissa un pourboire au barman.
Quand ils furent dehors, l'air mordant lui coupa le souffle pendant un court instant et il se rendit compte que la jeune femme avait lâché sa main et frissonait à cause du froid. Il fallait dire, elle n'était pas très couverte, avec sa robe blanche. Elle frictionna ses bras à l'aide de ses mains, essayant de récupérer un peu de chaleur quand Ethan enleva sa veste et la posa sur les épaules de Délilah.

- Il ne faudrait pas que t'attrapes froid, murmura-t-il

Délilah le remercia d'un signe bref de tête et ils marchèrent côté à côté, silencieusement. Ethan eut un bref instant froid, l'air entrant dans sa chemise légère mais ne le fit pas paraître. Sa voiture était garée un peu plus loin, proche de la sortie du parking. D'ailleurs, elle se remarquait de loin, silencieuse silhouette noire au milieu du parking désert par cette heure tardive. Il aimait beaucoup sa voiture, le premier bien précieux qu'il s'était acheté depuis qu'il avait coupé les ponts avec ses parents. Une grosse Audi noire, sportive et masculine.

Farfouillant dans sa poche de pantalon, il en sortit un trousseau de clé et pointa le boitier de commande vers la voiture, qui s'alluma au signal du boitier. Ethan fit glisser ses doigts sur la carrosserie impeccable, l'air sur, comme un maitre qui flatte sa bête. Puis, il ouvrit la porte côté passager et fit un geste signifiant à Délilah de prendre place.

- Ma voiture ne mort pas encore, tu peux t'assoir sans crainte, plaisanta-t-il, voyant l'air surpris de Délilah.

Une fois la jeune femme assise, il se plaça côté conducteur, ferma la porte, boucla sa ceinture et alluma le contact.

Était-ce seulement possible que ce soit elle qui lui ai prit la main ?

Pourtant tout semblait signifier qu’elle ne tomberait pas une fois de plus dans ce piège. N’avait-elle pas suffisamment souffert dans sa vie ? Si, bien sûr. Delilah se connaissait par cœur… lorsqu’elle commençait ainsi, c’est qu’elle s’attachait à la personne. Chose à ne surtout pas faire. Elle aurait du le savoir depuis le temps… Et pourtant. Ethan n’avait pas seulement un beau physique, il possédait aussi et surtout une personnalité bien à lui. Parce que, oui, elle s’était mentie honteusement : elle avait déjà entendu parler du bel agent de sécurité. Elle ne s’était juste pas intéressé à lui, tout bêtement. Les hommes ne l’intéressaient pas, dans leur totalité. Sauf un… Que pouvait-elle déduire de tout ce qu’elle ressentait en cet instant ? Le contact de sa main autour de la sienne, cette impression de sécurité… Un détail l’interpellait : il lui tenait toujours la main, ne brisant pas le lien qui s’était créé.

Non, c’était elle qui l’avait fait.

Pas de bon cœur, je vous rassure. Plus à regret, d’ailleurs… Mais elle commençait à avoir froid maintenant qu’ils étaient dehors. Balayant les environs du regard, elle ne pouvait s’empêcher de se demander à quoi pouvait ressembler sa voiture. Quelque chose à l’apparence sportive, peut-être… Ou bien un gros bolide fait pour les virées vers l’aventure. Elle se rendait compte qu’elle n’en savait strictement rien… Peut-être possédait-il une moto, après tout. Qu’en savait-elle ? Alors qu’elle émettait des hypothèses toutes plus absurdes les unes que les autres, Ethan fit la seule chose à laquelle elle ne pensait pas.

- Il ne faudrait pas que t'attrapes froid.

Ça pour une surprise… Resserrant contre elle la veste que le jeune homme lui avait posé sur les épaules, Delilah se laissa envahir par l’odeur d’Ethan. Ce parfum… elle l’avait pourtant senti lorsqu’ils étaient au restaurant. Mais il ne lui avait pas semblé aussi charmeur et agréable. Elle craquait. Littéralement. Un léger sourire aux lèvres, elle le remercia d’un bref hochement de tête, faisant gré des mondanités superflues. Et le mystère voiture fut élucidé d’un seul coup. Une magnifique Audi noire. Elle aurait reconnu ce style de voiture n’importe où… c’était sa préférée. Le mot pour définir l’absurdité de la situation n’était sans doute pas assez fort pour exprimer l’incompréhension totale de la jeune femme.

- Ma voiture ne mort pas encore, tu peux t'asseoir sans crainte.

Un rire amusé s’échappa des lèvres de Delilah.

- Je le sais bien. C’est juste que les Audi sont mes voitures favorites.

Elle prit rapidement place à l’intérieur de l’habitacle, savourant la chaleur qui habitait cette voiture. Son attention fut vite accaparée par Ethan. Ses mouvements assurés, ses gestes précis et sans défauts… Il alluma le contact et la voiture démarra doucement. Le silence s’était à présent installé et Delilah fut tentée de le briser pour lui demander s’il savait véritablement où elle habitait. Ce qui était tout bonnement ridicule. Bien sûr qu’il le savait, ils étaient tous les deux Omicron et en toute logique la déposerait sur le campus. Le chemin se fit le plus paisiblement du monde, sans aucune gêne apparente. Il faisait nuit noire à présent et les pensées de la jeune femme se fixaient sur un seul et même objectif : dormir. L’établissement prenait petit à petit forme à travers la pénombre environnante. Ils étaient arrivés à destination. Posant une main sur la poignée de la portière, elle hésitait sur la conduite à tenir.

- Juste une chose…

Un brusque élan de passion s’empara d’elle, et Delilah se retrouva en deux temps trois mouvements tout contre Ethan, ses lèvres sur les siennes. Sa main glissa sur l’une des cuisses du jeune homme, pendant que l’autre lui caressait la joue. Elle interrompit leur baiser, inspectant l’expression d’Ethan du regard. Elle n’avait cependant pas bougé et se rendait compte qu’elle était à présent assise sur lui…

Délilah se glissa avec grâce dans la voiture du jeune homme.

- Je le sais bien. C’est juste que les Audi sont mes voitures favorites.

Un sourire fleurit sur les lèvres d'Ethan. Il se glissa derrière le volant et alluma le contact. Laissant ses doigts fureter sur le volant quelques secondes avant de s'engager sur la route. Il resta songeur puis, se retournant vers la jeune femme, il renchérit.

- Ca tombe bien ce sont mes favorites aussi.

Puis, il démarra et le trajet se passa dans un silence lourd et pesant. Ethan, trop occupé à conduire, n'essaya pas de le briser, bien qu'un peu de convivialité entre les deux jeunes personnes n'aurait pas été de refus. Depuis qu'il avait réussi son permis de conduire, Ethan ne s'autorisait aucune erreur de conduite car son permis lui été très cher et ne plus pouvoir conduire sa voiture serait trop pour lui.
Par moment, il regardait du coin de l'œil Délilah, qui elle le dévorait des yeux. Ce sentiment lui fit plaisir.
Le jeune homme ne s'arrêtait pas de songer. Ah quoi allait mener cette soirée ? Sans vouloir paraître vicieux, il avait une terrible envie de finir cette nuit avec elle mais le hasard pouvait tout aussi bien changer les choses. Tant d'efforts pour que ça ne se finisse avec rien serait vraiment dommage...

Peu à peu, la silhouette éclairée de l'université de Roosevelt apparut. Bon, de toute façon, le campus était si grand que de pouvoir se garer près du bâtiment des Omicron lui prendrait un bon quart d'heure. Fort heureusement, il trouva une place bien placée assez vite et s'y gara en faisant bien attention à la carrosserie de son Audi.
Après avoir éteint le moteur, il se tourna vers Délilah.

- Nous voilà arrivés.

La jeune femme hocha la tête en guise de merci et posa sa main sur la poignée. Elle hésitait à sortir quand tout d'un coup, elle se retourna vers le jeune agent de sécurité et lui dit:

- Juste une chose…

Tout se passa très vite après. Elle se colla contre le jeune homme, posa une main sur sa cuisse et l'embrassa, en lui caressant la joue. Son baiser était doux et indéfinissable. Quelques secondes après elle interrompit leur baiser; s'écartant un peu en regardant le jeune homme.
Ethan ne broncha pas de suite. Encore interloqué, il se demanda pourquoi la jeune femme avait fait le premier pas. Cet effet de surprise fut bien vite remplacé par une vague de désir et Ethan, passa une main dans les cheveux de Délilah, puis l'attira doucement vers lui par la nuque et lui rendit son baiser. Ils échangèrent cette fois-ci un baiser plus ardent et passionné. Le jeune homme glissa sa main dans la cambrure des reins de la demoiselle, tandis que l'autre était resté dans ses cheveux.

[désolé pour la piètre qualité de ce post ><]

Le coup de foudre, savez-vous ce que c’est ?

Delilah en tout cas, avait l’impression de ne l’avoir connu que maintenant, dans ce restaurant où elle allait si souvent pendant son temps libre. Jusque là, les seules personnes qu’elle avait rencontrées étaient soit complètement ivres, soit complètement insignifiantes. Personne n’avait vraiment le mérite (ou pas d’ailleurs) de s’attirer les faveurs de la jeune femme, ni même… ce qu’ils étaient en train de faire à cet instant. Ah ah, je vous vois venir, vous devez sans doute penser qu’Ethan et miss Cœur de Pierre sont déjà passé à la vitesse supérieure… Il ne faut quand même pas exagérer. Ce n’est pas parce qu’elle s’était à moitié jeté sur lui que ça veut tout dire. Enfin, pas en totalité du moins. Ce baiser, d’une certaine manière, lui permettait de voir la réaction du jeune homme, pour ainsi déduire quelque chose sur la suite éventuelle de leur relation. Et très sincèrement, ça semblait plutôt bien parti si vous voulez mon avis…

Ne s’attendant pas à une réaction réelle de sa part, Delilah s’apprêtait mentalement à sortir de la voiture, laissant Ethan dans l’incertitude la plus absolue. Mais elle n’en eut pas le temps, ni l’envie sans doute… Il passa sa main dans ses cheveux, l’attirant à lui pour répondre à son baiser (qui n’en était pas réellement un… juste une manière de lui prouver son… attachement ?). Rien de comparable avec son précédent baiser, mais alors pas du tout. De la passion, de la fougue… Si les feux de l’enfer s’étaient manifestés à cet instant, elle aurait parié que même eux n’auraient rien d’aussi ardent. Ce fut ensuite l’autre main d’Ethan qu’elle sentit au creux de ses reins. Elle constata que ce geste était admirablement divin et agréable. Les mains de la jeune femme se déplacèrent elles aussi, et entreprirent de déboutonner la chemise de l’agent de sécurité. Elle ne savait franchement pas s’il allait accepter ce geste, ou s’il allait l’en empêcher comme au restaurant. Tout en ne détachant pas ses lèvres des siennes, ses doigts défirent le second bouton et s’arrêtèrent là. Juste assez pour qu’elle sente sa peau contre la sienne… Elle prit le temps de chuchoter entre deux baisers.

- Ethan…

Entre vouloir dire quelque chose et ne pas pouvoir parce que vos lèvres étaient occupées… Il y avait un choix à faire. Choix qu’elle fit rapidement. Ne voulant pas interrompre tout de suite leur baiser, elle se contenta d’ouvrir la portière côté conducteur (vu qu’elle était assise à la même place qu’Ethan à présent) et de pousser celle-ci avec son pied afin de l’ouvrir complètement. Oui, vous l’aurez bien compris : Delilah avait une idée derrière la tête. Prenant le visage d’Ethan entre ses mains, elle mit court à leur baiser, juste le temps de terminer sa phrase.

-… je ne sais pas pourquoi, ni comment… Je ne sais d’ailleurs même pas pourquoi nous faisons cela. Mais viens dans ma chambre cette nuit… s’il te plait.

Si Secret Thing savait ça… Mlle Rollins, professeur en arts à la Roosevelt University, était sous le point de perdre sa vertu avec Ethan Wedfort, tombeur de ces dames…

Ce moment était délicieux. C'était un peu celui qu'Ethan espérait depuis le début de leur rencontre. Le moment qui faisait sous-entendre que tout les efforts du jeune homme n'était pas vain, qu'il était un dragueur né. Ces phrases peuvent paraître égoïstes, dénudées de sentiment et faire paraître l'agent de sécurité comme un gros sala*d. Avec les autres filles, il aurait pensé exactement ça.
Pourtant, c'était différent. Oh non, ne croyez pas qu'Ethan était en train de tomber amoureux du professeur d'art alors qu'ils avaient passé juste une soirée et échangé qu'un baiser ensemble. De toute façon, le mot aimer était banni de son vocabulaire depuis trèèès longtemps.

C'était juste comme une sensation de bien être, de pouvoir rester ici, dans sa voiture, à embrasser langoureusement Délilah. Non pas qu'il n'avait jamais eu d'attirance pour ses conquêtes avant, mais comme si c'était beaucoup plus fort avec elle. C'était assez indescriptible et bizarre.
Pourtant, c'était on ne peut plus délicieux, comme moment. Les lèvres de la jeune femme étaient fraiches et sucrées, son parfum floral et capiteux.
Enivré par l'odeur de la demoiselle, il l'entendit à peine murmurer son prénom.

Il haussa les sourcils tout en continuant leur baiser, preuve qu'il l'écoutait pleinement. La jeune femme déboutonna un petit peu la chemise du jeune homme, assez pour découvrir son torse. Puis, elle poussa la portière avec son pied, l'ouvrant complètement et laissant passer une bourrasque d'air froid. Puis, elle interrompit leur baiser passionné et prit le visage du jeune homme entre ses mains. Où voulait-elle en venir ?

-… je ne sais pas pourquoi, ni comment… Je ne sais d’ailleurs même pas pourquoi nous faisons cela. Mais viens dans ma chambre cette nuit… s’il te plait.

Ethan était...stupéfiait. Oui c'était le cas. Il n'aurait jamais imaginé Délilah disant ça. Au début, quand elle avait ouvert la portière, il avait cru qu’elle voulait rentrer chez elle, que leur baiser était bien beau mais elle avait d’autres choses à faire. Et voilà qu’en vérité, elle voulait passer la nuit avec son bel apollon !
Bien que ce fût la chose qu’attendait Ethan, il n’avait jamais imaginé la tournure des évènements ainsi. Comme quoi le destin réserve bien souvent des tours. Ethan l’embrassa une nouvelle fois, avec plus de réserve toutefois et lui glissa à l’oreille :

- Avec plaisir...

Puis, il la prit par les hanches, l’enleva de ses genoux pour pouvoir sortir de la voiture et, sans avoir enlevé ses mains, la porta délicatement et la posa sur le sol, au dehors. Il ferma ensuite la voiture et accompagna Délilah vers le perron du bâtiment des Omicron. Avant de pousser la porte, il l’attira doucement vers lui et posa ses lèvres sur les siennes.

[Aurore, let's goo ! ]

Aurore râlait un peu, enfin mentalement. Elle avait passé la soirée à se promener. Elle avait besoin de s'isoler pour trouver l'inspiration. Sa mère l'avait appelé et dans la discussion lui avait demander de voir les nouveaux modèles d'Aurore. Et puis la jeune fille voulait tester quelque chose, un nouveau style de dessin. Elle n'y arrivait pas. En fait si mais ça ne lui plaisait pas. Elle n'étais pas une bonne auto-critique. Elle reposa son bloc à dessin.

Ses feuilles s'envolèrent et elle soupira. ce n'étais que des brouillons ratés en plus à ses yeux. Elle ébouriffa ses cheveux en souriant. Elle avait besoin d'être distraite par quelque chose. Secret Things était bien trop silencieuse en ce moment et Aurore n'avait plus de distraction. Plutôt moins de distraction et des moins amusantes.

Elle se leva et cala son bloc sous son bras. Elle attrapa son écharpe posée sur le ban. Elle flâna dans le campus. On voyait ici et là, un étudiant qui sortait pour prendre l'air, un couple d'amoureux sur un ban. Elle sourit et se dit qu'il serait tant qu'elle se trouve quelqu'un. Même si cela ne serait pas sérieux, elle en avait marre de passer son temps seule. Elle rit doucement en pensant que toutes les Lambda qu'elle connaissait bien étaient aussi célibataires.

Elle finit par arrivée devant chez les Omicron. Elle haussa les épaules et alla s'assoir au pied d'un arbre. Elle sortit un crayon de sa poche et dessina la façade. Elle traça trait par trait avec une précision élégante sans jamais tremblée ou déraper. Elle entendit un nouveau bruit. Elle ne releva pas la tête, essayant de l'ignorer.

Le bruit se rapprocha et elle l'identifia comme un moteur de voiture. Quand celle-ci s'arrêta, elle releva la tête. Elle voyait une belle Audi noire. Elle vit une chevelure de femme bougeait pour allait à la place conducteur. Cette couleur difficilement visible dans la semi-obscurité lui rappelait quelque chose. Elle entendit que le "couple s'embrassait". Aurore sourit de façon presque diabolique. Elle savait très bien ce qui lui restait à faire.

La femme parla et elle stoppa son geste, elle était en train de ranger son crayon et de fermer son bloc. Elle le reprit toujours surprise. C'était un de ces professeurs. Elle ne mit pas longtemps à savoir à qui elle parlait. L'homme. Un certain Ethan. Serait-ce leur magnifique agent de sécurité ? Aurore ne l'aimait pas, il la rappelait trop souvent à l'ordre, et était consternée de devoir reconnaitre qu'il soit si beau et qu'il ait au tant de succès.

Les deux adultes descendirent de la voiture et elle eut la confirmation de ce qu'elle pensait. C'était bien Miss Rollins et Mr Wedfort. Elle se leva, un grand sourire aux lèvre. Elle sortit son portable de sa poche avec un geste plein d'habitude et attendit le bon moment. Elle vit le couple se re-embrasser et prit la photo scoup. Elle choisit ensuite un numéro dans son répertoire et envoya le message suivant.

A : Secret Things
De : Aur

Secret Things, voici notre très chère professeur d'art, Miss Rollins, et notre agent de sécurité, Mr Wedfort. Une nouvelle histoire d'amour pour notre tombeur de femme ? Une relation pour notre femme ingénue ? A toi d'en décider.

Aur

Pièce jointe :

[Je verrouille]

» Amitié oubliée et regrets | PV Delilah
» Delilah, ou comment vivre en étant jamais vraiment soi-même [U.C]
» ...Un départ retardé... [Han]